samedi 24 janvier 2009

Sarkozy SMS GRATUIT FREE

La politique étrangère de l’empire de Constantinople, de 1210 à 1216.

À la recherche d’une paix durable : les empires latin et de Nicée, 1212-1216
1
Durant les années 1204-1208, le beau-fils de l’empereur Alexis III, Théodore Lascaris, avait réussi à établir, au nord-ouest de l’Asie Mineure, un État indépendant dont la capitale était Nicée, État qui prétendait être l’héritier de l’ancienne Byzance. En 1208, il fit élire un nouveau patriarche grec de Constantinople, qui le couronna aussitôt comme empereur byzantin légitime. Cet empire grec de Nicée dut sa survie initiale en grande partie à la lutte désastreuse que les Latins durent mener contre les Bulgares. L’absence latine en Asie Mineure qui en résulta permit à Théodore Ier Lascaris d’imposer fermement son autorité à des concurrents grecs divers et d’organiser efficacement son jeune État [1].
2
La lutte contre Michel Doucas pendant les années 1211-1212 avait été le résultat d’une politique délibérée de la part d’Henri de Flandre-Hainaut. Depuis l’hommage que le souverain d’Épire lui avait prêté en 1209 (ainsi qu’au gouvernement de Thessalonique peu avant l’hiver 1208), l’empereur latin le considérait comme un de ses vassaux. Quand Michel Doucas se rebella contre son suzerain, Henri s’efforça de lui faire reconnaître sa suzeraineté impériale. La politique à adopter à l’égard de l’empire de Nicée était tout aussi claire, du moins en théorie. Premièrement, Henri ne reconnaissait point le titre impérial que Théodore Ier Lascaris avait adopté en 1208 [2]. Il se considérait comme le seul empereur légitime dans la partie orientale de la chrétienté [3]. Nicée et son souverain devaient lui être subordonnés. Deuxièmement, la « convention constitutionnelle » de la domination latine à Byzance d’octobre 1205 stipulait que l’empereur était responsable de la défense et du maintien de l’empire [4]. Les terres byzantines en Asie Mineure figuraient bien dans la Partitio terrarum imperii Romaniae et même dans la portion impériale de cette répartition [5]. Aussi la conquête de ces terres était-elle, pour l’empereur latin, une sorte de « devoir constitutionnel », dont lui-même devait bénéficier le plus. En outre, la conquête d’une partie de l’Asie Mineure grecque était susceptible de renforcer la sécurité de la ville de Constantinople contre d’éventuelles attaques de Nicée. Il existait donc bien à Constantinople une volonté d’offensive contre l’Asie Mineure et Théodore Lascaris.
3
La mise en œuvre de cette politique s’avéra bien plus difficile que sa conception théorique. Certes, Henri de Flandre-Hainaut s’est toujours efforcé de maintenir les bases que les Latins avaient conservées en Asie mineure après leur évacuation presque totale de cette zone, suite à la désastreuse défaite latine contre les Bulgares à Andrinople en avril 1205. Mais la lutte contre les Bulgares (1205-1208), la «guerre des Lombards » (1208-1209) et la rébellion de Michel Doucas (1210-1212) ne lui permirent pas de prendre l’initiative contre Théodore Lascaris. À l’inverse, celle-ci revint à ce dernier, qui lança plusieurs offensives couronnées de succès contre les bases littorales des Latins. Par la trêve de 1207-1209 les Latins ne conservèrent que quatre places en Asie Mineure: Nicomédie et Cyzique, dont il lui fallut admettre la démolition des fortifications par Lascaris, ainsi que Pigae et Charax. Dans le courant des années 1210-1212, la lutte se poursuivit, bien que les sources ne nous en informent que très vaguement. Théodore Lascaris réussit à conquérir Cyzique (privé de ses défenses) et à capturer plusieurs chefs latins, malgré l’assistance militaire du sultan des Seljûqs de Konya aux Latins [6]. Il semble que c’est vers cette époque que les Latins perdirent leur vassal en Asie Mineure: David Comnène, souverain de Paphlagonie [7]. On peut expliquer les succès nicéens en partie par l’absence du gros de l’armée latine, alors engagé en Épire ou occupé à repousser des incursions bulgares.
4
Mais revenons à la période 1212-1216. Vers la fin mars 1212, au cours de son expédition contre Michel Doucas, Henri fut averti que Boril, souverain bulgare, et Théodore Lascaris menaçaient la capitale. Il y régnait une véritable panique et plusieurs Latins s’étaient déjà ralliés à Lascaris. La lettre d’Henri ne signale pas explicitement que Boril et Lascaris agissaient de concert, ainsi que ce dernier et Kalojan, le prédécesseur de Boril, l’avaient fait en 1207 [8]. Quoi qu’il en soit, le danger semblait grand et Henri décida de rentrer à Constantinople immédiatement. Chemin faisant il parvint à éviter une embuscade de Boril et, après avoir reçu des renforts de Constantinople, il chassa à nouveau le Bulgare de ses territoires, sans toutefois l’acculer à une confrontation décisive [9]. Henri rentra à Constantinople vers le début d’avril et, dans le même temps, la menace constituée par Lascaris sembla s’évanouir. Il est vrai que ce dernier devait alors faire face à une invasion du sultan des Seljûqs de Konya, Ghiatheddin Kaikosrau Ier, allié de l’empereur latin [10]. L’empereur de Nicée sut repousser cette attaque et obtint une brillante victoire sur le sultan à Antioche-sur-le-Méandre, où ce dernier pérît. Il convient de remarquer que, Henri de Flandre-Hainaut n’ayant été, semble-t-il, mis au courant de l’invasion du sultan qu’après la défaite de ce dernier, il ne peut être question d’une attaque fomentée conjointement par Henri et son allié.
5
Après son triomphe Lascaris envoya une circulaire à toutes les provinces grecques, annonçant qu’il libérerait bientôt la Grèce (Grecia) de la domination latine si les Grecs eux-mêmes voulaient bien l’y aider. La réaction des Grecs semblait bien inquiétante pour les Latins: ob hoc omnes submurmurare contra nos (Henri et les Latins) incipientes, ei (Lascaris) promittebant auxilium, si veniret Constantinopoli pugnaturus [11]. Il serait intéressant de savoir de quelle partie de la population grecque il s’agit ici. «Tous les Grecs» est très certainement une exagération de la part d’Henri. Il avait admis les Grecs dans l’administration de son empire et dans son armée, il s’était comporté de façon bienveillante envers l’Église orthodoxe, et à plusieurs reprises la population grecque elle-même – en Thrace comme au royaume de Thessalonique – lui avait donné des preuves d’attachement et de sympathie [12].
6
Que déduire de ces propos? Sans doute y avait-il, dans la population grecque, ceux qui, participant activement à la domination latine et en tirant profit, ne pouvaient pas voir d’un bon œil l’éventualité d’une offensive nicéenne contre les Latins de Constantinople. Il est vraisemblable que ceux-ci, militaires et détenteurs d’offices, appartenaient surtout aux classes supérieures de la société. Sans doute y avait-il aussi d’autres Grecs, plus nombreux et plus hétérogènes du point de vue social, qui n’avaient pas à se plaindre de la domination latine et montraient même un certain enthousiasme envers la personne d’Henri. Je soulignerai ici que, vers 1207-1208, Henri et ses compatriotes avaient réussi à maîtriser le danger bulgare, qui avait ravagé la Thrace, la Macédoine et même la Thessalie presque sans interruption depuis environ 1190-1195 [13]. Ce succès a très certainement accru sensiblement la sécurité et la prospérité de la population grecque de ces régions. Mais pour des raisons d’ordre émotionnel ou culturel plus que matériel, ils n’auraient pas refusé la venue d’un empereur et d’un patriarche grecs, si l’occasion s’en présentait [14]. Toutefois je ne crois pas que ce dernier groupe aurait pris l’initiative d’une rébellion et risqué de perdre ainsi sa sécurité matérielle. Il fallait une autre faction, plus engagée, pour inciter et guider ce dernier groupe. Il y avait très certainement en Thrace des gens qui détestaient et s’opposaient vigoureusement à la domination latine, par exemple ces ambitieux qui avaient occupé des hautes fonctions sous les empereurs Alexis III et Alexis V, qui, par suite, n’étaient guère appréciés par le gouvernement latin et qui – pour diverses raisons – ne s’étaient pas enfuis vers Nicée ou Arta [15]. Le manque de sources ne nous permet pas d’aller au-delà de cette analyse quelque peu superficielle et purement hypothétique.
7
Quoi qu’il en soit, vers avril-juillet 1212, une attaque de Théodore Lascaris en direction de Constantinople semble imminente et les Latins se voient une fois de plus contraints à se défendre du côté de l’Asie Mineure. Mais cette fois Henri et ses conseillers choisissent de faire de nécessité vertu. Ils décident que la meilleure défense sera l’attaque [16]. Plusieurs arguments étayaient cette décision. Premièrement, attendre l’attaque de Lascaris, c’était risquer une rébellion générale des Grecs en Thrace et les Latins n’avaient certainement pas oublié la rébellion grecque de 1205 et ses conséquences désastreuses [17]. Deuxièmement, même si les Latins parvenaient à repousser l’attaque de Lascaris, cela ne résolvait rien. Lascaris pouvait toujours lancer d’autres offensives par la suite. Troisièmement, l’occasion était trop belle de réaliser enfin le plan déjà évoqué d’une invasion latine de l’Asie Mineure. En outre, Henri avait à présent les mains plus ou moins libres: la situation en Épire et au royaume de Thessalonique paraissait stable, et Boril ne constituait pas un danger imminent [18].
8
Il n’y a aucune raison de traiter ici en détail du déroulement de la campagne de l’empereur Henri en Asie Mineure : Longnon et d’autres l’ont fait de manière satisfaisante [19]. Il suffira de présenter les grandes lignes des opérations militaires et de proposer quelques remarques [20].
9
L’empereur Henri et son armée débarquèrent à Pigae. Ils y défirent Lascaris une première fois. Celui-ci se retira dans les montagnes avoisinantes, tandis que les Latins parcouraient la plaine côtière, se dirigeant vers Brousse et Nicée. Cependant la population grecque, refusant de supporter ces incursions (et les dommages matériels qu’elles leur infligeaient), demanda à Lascaris de descendre de la montagne afin de se battre contre les Latins. Dans le cas contraire, ils avaient l’intention de se rendre à l’empereur latin. Lascaris rassembla ses troupes – qui comportaient aussi des Latins – pour rencontrer Henri au Luparcos, où ce dernier avait fixé ses tentes. Le 15 octobre l’empereur latin y remporta une victoire capitale sur Lascaris, alors que ce dernier était numériquement supérieur [21]. Lascaris était en fait privé de la plupart de ses forces offensives, tandis qu’Henri se vit renforcé par les Latins de Lascaris qui s’étaient livrés à lui après la bataille. Comme le dit Longnon, un premier but était donc atteint : Lascaris n’était plus un danger pour les Latins à Constantinople.
10
Après la victoire au Luparcos Henri décida de changer de direction. Il se tourna vers le sud, vraisemblablement parce qu’à ses yeux la résistance y était moins forte qu’à Brousse et à Nicée, la capitale de Lascaris. Il s’avança donc jusqu’à la frontière seljûqide (plus ou moins le Méandre) et la population grecque se soumit à lui. Seules quelques places fortifiées (castella) lui résistèrent. Telle était la situation vers janvier 1213, au cours d’un hiver qu’Henri passa à Pergame. Il projetait de soumettre ces quelques castella l’été suivant. Longnon avance un autre motif pour ce changement de direction: sécuriser la route terrestre des croisés vers la Syrie. Cela me paraît invraisemblable. De la frontière seljûqide à la Syrie, il y avait une distance importante qu’Henri ne pouvait espérer soumettre à son contrôle. De plus, si tel avait été son but, il n’aurait pas manqué de le mentionner dans sa lettre de Pergame, afin de promouvoir son empire comme défenseur de la terre sainte et d’attirer ainsi des croisés. Après la victoire au Luparcos Henri n’avait qu’un seul but : conquérir une partie des terres de Lascaris afin d’étendre la partie proprement impériale de l’empire latin et d’augmenter ses ressources. Et, comme il est mentionné plus haut, au sud la résistance dut lui sembler moins forte.
11
Quelques passages d’Acropolite semblent confirmer que, durant l’été 1213, Henri poursuivit sa lutte. Aussi bien cet auteur raconte la prise de la ville de Lentiana par Henri après un siège d’environ six semaines. Durant cette campagne, l’empereur latin semble aussi avoir voulu investir Nymphaion (ou plutôt la citadelle de cette ville). Mais la ville ayant été abandonnée en majeure partie, il renonça à ce projet. C’est à ce moment que Lascaris lui offrit de négocier un accord et Henri accepta [22].
12
La date de la conclusion de cette paix entre l’empire latin et l’empire de Nicée pose un problème. Acropolite est le seul auteur à parler explicitement de ce traité et, d’après le contexte, il aurait été négocié et conclu en Asie Mineure peu après le siège de Nymphaion, c’est-à-dire à l’été ou à l’automne de 1213. Il n’y a aucune raison de mettre en doute ce témoignage assez clair d’Acropolite et plusieurs auteurs ont soutenu ce point de vue [23]. Cependant Longnon a présenté une tout autre hypothèse, qui elle aussi a eu ses partisans [24]. Mais jusqu’à présent aucun auteur n’a pris la peine de comparer la crédibilité des deux hypothèses. Examinons donc l’argumentation de Longnon.
13
Cet auteur prétend que la paix entre l’empereur Henri et Théodore Lascaris n’a été conclue que vers la fin de l’année 1214. Il se fonde sur le récit de Nicolas Mesarites, métropolite d’Ephèse, relatif aux pourparlers d’octobre-décembre 1214 à propos de l’union des Églises, entre des envoyés du pape et de son légat à Constantinople, Pélage, d’une part, et des fonctionnaires ecclésiastiques de Nicée, d’autre part. À cette époque, en effet, arrivèrent à Nicée des envoyés du légat Pélage recherchant la paix, souhaitant la paix, désirant la concorde des églises, mais aussi la tranquillité de ce monde. De ce passage, Longnon a conclu que ces envoyés ne venaient pas seulement négocier un accord religieux, mais aussi un accord politique. Il ajoute qu’Innocent III remplissait ainsi la promesse qu’il avait faite en 1208 à Lascaris d’envoyer un légat à Constantinople afin d’amener l’empereur Henri à s’entendre avec lui.
14
Mais la recommandation qu’Innocent III fit à son légat en 1208 ne mentionne pas, parmi les missions de ce dernier, la conclusion d’une paix entre les empereurs Henri et Lascaris [25]. De plus, si les pourparlers en question avaient entre autres pour but la mise au point d’un tel accord, il est assez étrange que Mesarites ne mentionne nulle part que l’empereur latin s’est engagé dans ces négociations.
15
Plus important, Longnon ne tient pas compte du contexte de l’année 1214. À ce moment, en effet, les hostilités entre Henri et Lascaris avaient cessé depuis l’été ou l’automne 1213. En 1214, les antagonistes s’étaient lancés dans d’autres projets. Henri s’était tourné vers la Bulgarie et la Serbie, et Lascaris était passé à l’offensive en Paphlagonie. Il paraît peu probable qu’ils eussent pris de telles initiatives s’ils n’avaient auparavant réglé leur différend. En outre, Longnon ne peut intégrer dans son hypothèse le témoignage d’Acropolite. Enfin, la phrase « désirant la tranquillité de ce monde» est pour le moins vague et peut être expliquée facilement d’une autre façon. Elle peut en effet faire référence aux tensions et difficultés entre Latins et Grecs, clercs comme laïcs, tensions générées par leurs différends religieux. Un accord sur le plan religieux pouvait donc bien avoir un effet dans le domaine séculier, celui de stimuler une coexistence pacifique.
16
Tous ces arguments rendent l’hypothèse de Longnon peu vraisemblable, tandis qu’il n’y a aucune raison pour se méfier du récit d’Acropolite [26]. Il convient donc de placer la paix entre Henri et Lascaris directement après le siège de Nymphaion par Henri, c’est-à-dire vers l’été ou l’automne 1213. De la même manière, il faut écarter le rôle que, selon Longnon, le pape et le légat Pélage auraient joué dans l’élaboration de cette paix [27].
17
Le contenu de l’accord entre Henri et Lascaris suscite également des difficultés. Acropolite est la seule source à en rapporter les clauses. Il s’agit d’un partage territorial. L’auteur n’est cependant pas très explicite : Henri obtenait la région autour de la montagne de Ciminos, la ville d’Achyraos y comprise ; le village de Calamos devait rester inhabité et marquer la frontière entre les territoires latins et grecs ; Lascaris conservait les thèmes Neocastra et Celbianon, y compris les villes de Chliara et de Pergame, et la région entre Magidia et Opsicia ; il lui restait encore des terres vers Lopadion, Brousse et Nicée [28]. Essayons de reconstruire la frontière entre l’empire latin et celui de Nicée de façon plus précise. Il est clair qu’Henri obtenait la région située au nord du village de Calamos, c’est-à-dire celle comprenant Andramytion, Achyraos, Poemanenon, Lentiana, Cyzique et Pigae [29]. Lopadion, Brousse et Nicée appartenaient à Lascaris, mais Acropolite n’indique pas que Lascaris conservait une porte sur la mer de Marmara. Ceci semble impliquer que les Latins gardaient tout le littoral, ce qui est plus ou moins confirmé par un passage ultérieur d’Acropolite [30]. La frontière semble s’être étendue de Nicomédie au littoral de la Mer Noire, probablement le long des rives de la Sangarios, qui constituait une frontière naturelle.
18
Ces dispositions territoriales expliquent en partie pourquoi Henri souhaitait conclure cette paix. Déjà dans sa lettre de janvier 1213 à Pergame, Henri avait demandé des renforts de l’Occident afin de conserver et de défendre ses conquêtes. Mais il ne semble pas que des renforts substantiels soient arrivés à Constantinople en 1213. Ainsi un prolongement de la campagne n’était-elle plus possible. Il faut aussi remarquer que, depuis 1211, Henri avait presque constamment mené des campagnes. En résultaient, sans doute, une lourde charge financière et un fardeau pour ses feudataires. Dans ces circonstances, Henri ne pouvait que désirer une paix durable avec Lascaris [31]. Cela impliquait qu’il fallait atteindre un compromis équilibré avec ce dernier, et non lui imposer des conditions inacceptables qui ne pouvaient que l’inciter à rompre l’accord dès qu’il s’en sentirait capable. Henri renonça donc à une partie de ses gains, mais garda toutefois une bonne partie des terres de Lascaris et s’assura une frontière et une paix stables.
19
L’on aimerait savoir si cette paix comprenait encore d’autres clauses [32]. Hélas, Acropolite n’en dit rien. Il eût été intéressant également de savoir comment l’empereur latin et l’empereur de Nicée s’intitulaient mutuellement dans cet accord. Le texte original du traité n’ayant pas été conservé, on est contraint à formuler des hypothèses. De toute façon, la conclusion de la paix elle-même impliquait une sorte de reconnaissance réciproque [33]. Peut-être a-t-il été choisi une formulation analogue à celle utilisée dans le traité économique signé en 1219 entre Venise et Théodore Lascaris. Dans ce document les deux partis portaient les titres qu’ils revendiquaient pour eux-mêmes, même si ceux-ci se contredisaient [34]. Quoi qu’il en soit, malgré cet accord, Henri comme Lascaris ont chacun continué à se considérer comme le seul empereur légitime [35].
20
Reste à évaluer la signification de la campagne d’Henri de Flandre-Hainaut en Asie Mineure. Tout d’abord, l’empereur latin a conquis une bonne partie, un quart environ, des terres de l’empereur de Nicée [36]. Comme mentionné plus haut, ces terres appartenaient à la partie impériale de l’empire latin et les ressources d’Henri ont sans doute augmenté de façon considérable. La possession du littoral de la mer de Marmara avait aussi une importance stratégique : elle protégeait la capitale d’une attaque des Grecs de Nicée, et assurait le contrôle des Détroits, ce qui était favorable aux intérêts commerciaux de Venise [37]. Ensuite, l’organisation du territoire conquis doit avoir renforcé l’élément grec dans l’administration de l’empire latin. Henri confia la défense de la partie orientale de son empire à des troupes indigènes, placées sous le commandement d’un Grec : Georgios Theophilopoulos [38]. Angold a supposé une continuité sur le plan administratif dans cette région durant la domination latine, ce qui implique une importante participation grecque [39].
21
La paix conclue entre Henri et Lascaris signifiait donc clairement une victoire pour l’empire latin, et inaugurait une période de stabilité au nord-ouest de l’Asie Mineure, stabilité qui ne sera rompue qu’en 1224 avec l’offensive désastreuse des Latins contre Jean III Vatatzes [40]. Bien sûr cette stabilité était aussi avantageuse pour les Grecs de Nicée que pour les Latins de Constantinople. Henri et Lascaris avaient désormais les mains libres pour réaliser d’autres projets. En outre, l’accord permit ou facilita les pourparlers d’octobre-décembre de 1214 relatifs à l’union ecclésiastique, évoquée plus haut [41].
22
Enfin, les succès latins de 1212-1213 contre l’empire de Nicée ont certainement contribué à l’un des effets involontaires de la domination latine à Constantinople, c’est-à-dire au prolongement de l’autorité byzantino-chrétienne en Asie Mineure [42]. L’échec de Théodore Lascaris, en 1212-1213, fit passer à l’arrière-plan le rêve nicéen de reconquête de Constantinople. L’empereur de Nicée se vit obligé de se concentrer en premier lieu sur le maintien, ou l’accroissement, de sa base de pouvoir en Asie Mineure [43].
c La frontière septentrionale. Les relations avec la Bulgarie, la Serbie et la Hongrie
23
Après avoir étendu leur pouvoir à l’ouest et à l’est, et après y avoir assuré une paix stable, les Latins de l’empire de Constantinople prêtèrent attention à la région située au nord de leurs territoires.
24
Dès le début de la domination latine à Constantinople, la Bulgarie avait représenté une menace dangereuse. Les attaques du roi bulgare Kalojan – provoquées en partie par une attitude maladroite des Latins envers les Bulgares comme envers les Grecs, qui devinrent les alliés de Kalojan pendant une courte période – avaient ravagé de grandes parties de la Thrace et de la Macédoine (1205-1207) [44]. Cela signifiait un fardeau intolérable pour la population grecque comme pour le gouvernement latin. Même si, après la victoire latine de Philippopolis (1208) sur le nouveau souverain Boril, l’intensité, la fréquence et l’efficacité de ces raids semblent avoir diminué sensiblement, ceux-ci demeurèrent sans doute une nuisance et un souci constants. Les opérations au royaume de Thessalonique, en Épire et en Asie Mineure, faisaient que, depuis 1208, les Latins se voyaient contraints de se tenir sur la défensive du côté de la Bulgarie. En 1212, au royaume de Thessalonique, Berthold de Katzenelnbogen, régent, et Eustache, frère de l’empereur, durent encore repousser et vaincre deux grandes armées bulgares [45].
25
Après la paix avec Lascaris (été-automne 1213), une solution de la «question bulgare» s’imposait. Le but était clair : amoindrir la menace bulgare et assurer la stabilité de la frontière septentrionale de l’empire [46]. Les options étaient limitées. La campagne de 1212-1213 en Asie Mineure avait montré que l’empereur latin n’avait pas les moyens de conquérir et de tenir d’autres terres étendues (la Bulgarie), ni de contraindre un rival puissant (le souverain Boril) à une reconnaissance de sa suzeraineté. Vis-à-vis de la Bulgarie, l’usage de la force serait inefficace. Il fallait donc négocier un accord. Les barons du royaume de Thessalonique furent sans doute impliqués dans ce projet, compte tenu du voisinage de cette principauté avec la Bulgarie.
26
Le souverain bulgare Boril avait des raisons personnelles de souhaiter une paix avec l’empire latin. Vers 1211, le neveu de Kalojan son prédécesseur, nommé plus tard Jean II Asen, était rentré de son exil en Russie et s’était lancé dans une sédition contre Boril [47]. La lutte de ce dernier contre les Bogomiles hérétiques était un autre facteur d’instabilité interne [48]. En outre, après les victoires latines en Épire et en Asie Mineure, Boril craignait peut-être une invasion majeure de son territoire. Les expéditions qu’il avait menées, au cours des dernières années, contre les Latins avaient été des échecs [49]. Il paraît probable que les Latins connaissaient les ennuis de Boril et qu’ils savaient donc que ce dernier ne serait pas hostile à une proposition de paix.
27
Les sources indiquent que l’initiative vint des Latins, l’empereur Henri et ses conseillers [50]. Selon Robert de Clari – seul auteur à donner quelques détails en la matière – Henri et son conseil auraient envoyé une ambassade à Boril, afin de lui demander la main de sa fille pour l’empereur, ce qui impliquait évidemment la conclusion d’un traité politique [51]. Boril y consentit volontiers. Il envoya sa fille à Constantinople en vue d’un union avec l’empereur Henri et la paix fut conclue entre l’empire latin et la Bulgarie [52]. Ces événements eurent lieu vers la fin de l’année 1213 ou au début de 1214 [53].
28
Aucune source ne nous informe sur le contenu de l’accord entre l’empire latin et la Bulgarie. Mais essayons de nous en faire une idée à l’aide du contexte. Sans doute un arrangement territorial a-t-il été élaboré. Il convient de garder à l’esprit la supériorité militaire des Latins au moment de la conclusion de l’accord et leurs importants succès contre les Bulgares à Philippopolis en 1208 et à Monastir en 1212. En se fondant sur les sources disponibles, il est possible de situer la frontière de la façon suivante : Vizya-Vrysis-Andrinople-la région de Philippopolis, Crucemont (Kricim) et Stenimachos-la région de Tsépéna et Melnik-la région de Prosêk et Pélagonia [54]. L’accord comprenait bien sûr aussi une alliance politico-militaire, de nature défensive aussi bien qu’offensive. La campagne conjointe de l’empereur Henri et de Boril contre la Serbie en 1214 l’implique. L’expédition d’Henri au printemps de 1216 au royaume de Thessalonique contre Théodore Doucas, le nouveau souverain d’Épire, peut en partie être interprétée à la lumière de cette alliance [55].
29
Mais l’accord avec la Bulgarie signifiait peut-être beaucoup plus. Il apparaît en effet que Boril n’avait pas de fils pour lui succéder et que l’épouse d’Henri était sa fille aînée. Sources et littérature ne mentionnent qu’une seule autre fille de Boril : la fiancée du fils aîné du roi de Hongrie André II, Béla (IV). Béla n’avait que huit ans au moment de ses fiançailles, en 1214, ce qui semble indiquer que sa fiancée était du même âge [56]. Il est peu probable qu’Henri se soit uni à une princesse plus jeune. L’épouse d’Henri était donc probablement l’héritière de l’empire bulgare. Il semble dès lors probable que, par ce mariage, Boril et Henri escomptaient une union de leurs empires: l’enfant né du mariage d’Henri et de la fille de Boril était appelé à régner tant sur la Bulgarie que sur l’empire latin. Cela permettait à Henri de réaliser de manière indirecte et pacifique ses ambitions universelles, tandis que Boril protégeait ainsi l’héritage de sa fille contre les revendications de Jean II Asen. Cette hypothèse explique l’intérêt soudain qu’Henri montra, en 1214-1215, pour la Serbie, principauté limitrophe de la Bulgarie. Ce projet incontestablement ambitieux n’a jamais été concrétisé, l’empereur Henri étant mort sans enfant en 1216. La réalisation d’un tel dessein aurait été très certainement hasardeuse: l’opposition de Jean II Asen et des Bogomiles, et la réaction des nobles bulgares auraient posé des problèmes difficiles à résoudre.
30
En tout cas l’accord avec la Bulgarie assurait la stabilité de la frontière septentrionale de l’empire latin. Sans conteste, il y créait une paix longuement attendue par la population de Thrace et de Macédoine, ce qui a probablement augmenté leur confiance en la domination latine. De plus, un allié valable – et peut-être beaucoup plus – avait été gagné.
31
Dès 1214 l’alliance commença à fonctionner. Henri et Boril entreprirent une expédition conjointe contre la Serbie [57]. L’initiative venait cette fois-ci de Boril. Le souverain serbe, Étienne II Nemanja, s’était fait l’ennemi du souverain bulgare. Étienne avait en effet prêté asile à Strêz, frère de Boril, au moment où ce dernier s’empara du pouvoir en Bulgarie (1207). Ensuite, Étienne lui avait donné les moyens de s’installer dans la région de Prosêk – que Boril revendiquait pour lui-même – comme seigneur indépendant [58]. De là, Strêz s’était montré hostile au royaume latin de Thessalonique. Aussi la proposition bulgare d’une expédition contre l’ancien protecteur d’un ennemi de l’empire dut-elle paraître rationnelle aux yeux des Latins.
32
Le but poursuivi par Boril était vraisemblablement de reconquérir Nis, qui était encore une ville bulgare sous son prédécesseur Kalojan, et peut-être même une plus grande partie du territoire serbe [59]. L’on a déjà dit que, vers 1213, la conquête de vastes territoires n’était plus une option réaliste pour les Latins de Constantinople. Mais l’opération de 1214 ne semble pas avoir été seulement une sorte d’expédition punitive contre Étienne II Nemanja ou un appui à l’allié bulgare. À ce moment, l’empereur Henri avait déjà, semble-t-il, très envie d’imposer sa suzeraineté impériale au souverain serbe (en accord avec son allié bulgare), afin d’étendre de façon indirecte son influence dans les Balkans [60]. L’arrière-plan de ce projet résidait dans les conceptions impériales d’Henri. Il s’estimait être l’empereur byzantin légitime et réclamait donc tous les terres ayant appartenu à l’empire byzantin jusqu’à la fin du XIIe siècle [61]. Le projet d’une union politique entre l’empire latin et la Bulgarie devait très certainement donner plus de corps à son ambition d’incorporer la Serbie, région limitrophe de la Bulgarie.
33
L’expédition n’a toutefois pas obtenu les résultats escomptés. En route vers Nis, l’armée latino-bulgare semble avoir tout à coup rebroussé chemin. Notre source présente les choses ainsi : «Und auf einmal, um Mitternacht, erhob sich ein geschrei, und der Ehrwürdige (saint Syméon Nemanja) zerstreute unsichtbar die in Schlacht-ordnung aufgestellten Feinde. Durch diese Erscheinung meines heiligen Herrn in große Angst versetzt und schon durch sein Zeichen allein besiegt, flohen sie davon, sich selbst vernichtend, einer den anderen. Und sie besiegten sich gegenseitig und richteten sich selbst zugrunde und zogen fort mit der Schmach ihrer Vernichtung und in großer Schande ». Plusieurs auteurs ont estimé que ce passage faisait référence à une attaque nocturne d’Étienne II Nemanja, attaque qui aurait contraint l’armée latino-bulgare à se retirer [62].
34
Je voudrais cependant proposer une autre interprétation, qui, à mon avis, s’accorde mieux avec les données précédentes. Le passage en question de la Vie de saint Syméon contient deux éléments remarquables. Tout d’abord, le récit n’est que très vague et abstrait, tout au moins par comparaison avec celui de la deuxième expédition d’Henri en Serbie, où, on le verra, l’auteur – Étienne II Nemanja – met en exergue sa propre contribution au miracle de saint Syméon. Ici, aucune information concrète n’est proposée. Ensuite, l’accent est très explicitement mis sur un conflit à l’intérieur de l’armée latino-bulgare.
35
Ces deux éléments s’expliqueraient si l’on supposait qu’Étienne II n’a jamais entrepris d’expédition contre les envahisseurs, qu’en effet les alliés latino-bulgares ont dû l’échec de leur campagne entièrement à eux-mêmes et qu’Étienne II n’était donc pas bien informé des causes du fiasco. En route vers Nis, l’entente entre Bulgares et Latins aurait donc été rompue. Plusieurs raisons pourraient être avancées, par exemple une dispute à propos des gains qu’ils attendaient de la campagne (la conquête de Nis, la suzeraineté sur la Serbie, le partage du butin). Il paraît cependant plus probable que Boril ait dû renoncer à l’alliance, à cause de troubles à l’intérieur de son empire qui le forcèrent à se retirer. De son côté, l’empereur Henri n’était plus capable de poursuivre seul l’expédition.
36
Deux indications soutiennent cette dernière hypothèse. Il semble tout d’abord que l’empire latin et la Bulgarie ont maintenu de bonnes relations pendant les années 1215-1216 [63]. L’empereur Henri paraît avoir traversé pacifiquement le territoire bulgare lors de sa deuxième campagne en Serbie en 1215, et il semble qu’en 1216, pendant son voyage au royaume de Thessalonique, il ait voulu user de son influence auprès de Théodore Doucas, souverain d’Épire et en principe vassal d’Henri, qui menaçait les terres bulgares de Boril [64]. Par ailleurs, ce dernier n’a pas pris part à la deuxième expédition latine en Serbie, ce qui tend à confirmer ses problèmes pressants à l’intérieur.
37
Reste un autre problème. Il est apparu plus haut que Michel Doucas, prédécesseur de Théodore, s’était vraisemblablement reconnu comme le vassal de l’empereur latin. Précisément, en 1214, il a entrepris une offensive contre la Serbie, durant laquelle il s’est emparé de la ville de Skutari (Skadar) [65]. Il est donc tentant de supposer une sorte de coordination entre les actions de l’empereur Henri et de Michel Doucas, mais un manque de sources ne permet pas d’aller au-delà de l’hypothèse [66].
38
Après l’échec de sa campagne en compagnie de Boril, Henri ne renonça pas à ses aspirations en direction de la Serbie. Pour concrétiser cette ambition, il se tourna vers un autre allié: le roi de Hongrie André II. Mais avant d’évoquer de cet épisode, il est utile de décrire les circonstances dans lesquelles cette alliance latino-hongroise se réalisa.
39
Dès le début de la domination latine à Byzance, il y eut des liens étroits entre l’empire latin et la Hongrie. En 1204 encore, Boniface de Montferrat, souverain de Thessalonique après la scission de l’empire byzantin par les croisés, avait épousé la sœur d’André II, Marguerite [67]. Après la mort de Boniface en 1207, l’empereur Henri et Marguerite, tutrice de son fils mineur, Démètre (couronné roi de Thessalonique en 1209 par Henri), entretinrent de bonnes relations. L’empereur latin se montrait en effet soucieux de la situation dans le royaume de Thessalonique et Marguerite semble avoir apprécié cette attitude [68].
40
En tout état de cause, au cours de l’année 1214 vraisemblablement, une alliance a été discutée et conclue entre l’empire latin et la Hongrie [69]. Celle-ci fut sanctionnée par le mariage d’une nièce d’Henri – la fille aînée de sa sœur Yolande, marquise de Namur, et de Pierre de Courtenay, comte d’Auxerre et de Tonnerre, elle aussi appelée Yolande – avec le roi André II [70]. Le chroniqueur Philippe Mouskes affirme que c’est Henri qui fut à l’origine de ce mariage et donc de l’entente politique avec la Hongrie [71]. Il semble probable, cependant, que Marguerite de Thessalonique fut impliquée elle aussi dans l’affaire [72].
41
Aucune source ne mentionne le but et les motifs d’Henri lorsqu’il conclut cette alliance. On en est réduit à nouveau à des conjectures. Fondons-nous, tout d’abord, sur le contexte des années 1213-1214. L’on sait, on l’a dit plus haut, qu’après la campagne d’Asie Mineure de 1212-1213, les Latins voulurent conforter pacifiquement leur frontière septentrionale grâce à la diplomatie. Il semble donc logique qu’ils aient opté pour une alliance avec l’autre grande puissance dans la région, orientée elle aussi vers Rome [73]. Compte tenu des luttes constantes des années 1205-1212, sans doute n’accordaient-ils guère de crédit à l’accord avec la Bulgarie. L’entente hongroise comprenait donc probablement un aspect défensif sous forme d’assistance mutuelle.
42
Il y eut cependant aussi un aspect plutôt offensif : la campagne d’Henri et d’André II en 1215 en est la preuve, on le verra. Il semble qu’ils aient vu dans une alliance politico-militaire le moyen de renforcer leur prééminence dans la région des Balkans et d’y étendre leur influence. Pour l’empereur latin, l’arrière-plan idéologique de ces ambitions était, entre autres, la tradition impériale byzantine d’universalité [74]. Les rois de Hongrie de leur côté avaient, dès la fin du XIIe siècle, exprimé leurs aspirations en direction de la Serbie et de la Bulgarie [75]. Mais l’aspect défensif de l’entente n’était pas non plus sans intérêt pour le roi de Hongrie. Durant la période 1205-1217, il se trouvait aux prises avec de grandes difficultés internes dans la région de Halicz. Dans ces circonstances une alliance avec le prestigieux empereur de Constantinople devait lui sembler des plus profitables.
43
Les alliance latino-hongroise et latino-bulgare faisaient donc partie d’une même politique, celle visant à renforcer la frontière septentrionale et à accroître l’influence impériale dans les Balkans par des moyens diplomatiques et militaires [76].
44
Probablement vers la fin de 1214, l’empereur Henri et le roi André II décidèrent d’entamer une expédition conjointe en Serbie au printemps de l’année suivante. Pour cette campagne l’historien est de nouveau confronté à l’information qu’apporte la Vie de saint Syméon [77]. En omettant les éléments fantaisistes, on peut résumer ainsi ce qui s’est passé. 1. L’empereur Henri et le roi André se donnèrent rendez-vous avec leurs armées à Nis vers Pâques 1215 (le 19 avril). 2. Étienne II Nemanja était lui aussi invité à Nis pour une rencontre pacifique. 3. Peu convaincu des intentions pacifiques de l’expédition latino-hongroise, Étienne parvint à rencontrer André à Ravno avant le rendez-vous de Nis, et ils s’y mirent d’accord. 4. Henri rencontra André et Étienne à Nis, mais l’empereur ne put amener Étienne à lui rendre quelque honneur. 5. Dans l’impossibilité de contraindre Étienne manu militari, l’empereur latin se retira sans parvenir à une quelconque entente avec le souverain serbe. 6. Le roi de Hongrie assura la retraite pacifique des Latins, c’est-à-dire sans harcèlement de la part des Serbes.
45
Le but de la campagne de l’empereur Henri et du roi André était probablement d’amener Étienne Nemanja à la reconnaissance de leur suzeraineté (celle d’André, probablement, sur la partie septentrionale de la Serbie, celle d’Henri sur les régions méridionales), sous la menace d’une armée latino-hongroise [78]. Ils voulaient se partager la Serbie en créant deux zones d’influence. Il est clair cependant qu’Étienne Nemanja réussit à rompre cette action conjointe lors de sa rencontre avec le roi André à Ravno. Reste à examiner comment il parvint à ses fins. On peut penser qu’Étienne fit certaines concessions au roi André, peut-être l’une ou l’autre terre ou quelque reconnaissance de sa prééminence [79]. Des troubles à l’intérieur permettent peut-être d’expliquer pourquoi André accepta cet accord et pourquoi il ne poursuivit pas sa campagne avec Henri. En effet, le compromis qu’il avait obtenu en 1214, à propos de la région de Halicz, fut rompu en 1215 [80]. La rencontre à Ravno lui offrait la possibilité de clarifier ses relations avec la Serbie rapidement, peut-être même à son avantage, ce qui lui permettait de rentrer promptement dans sa patrie pour s’attaquer aux problèmes urgents [81]. Dès lors, poursuivre une campagne dont la durée et l’issue étaient incertaines en compagnie d’Henri n’avait plus aucun sens.
46
Henri n’était pas en état d’atteindre seul son but : il n’en avait pas les moyens, ni militaires, ni diplomatiques [82]. Ses projets en Serbie ne pouvant à nouveau aboutir, il dut se retirer. Il semble que l’échec de cette campagne n’ait pas entraîné la rupture de l’alliance latino-hongroise, même si un refroidissement temporaire, immédiatement après les événements de Ravno et de Nis, est probable. Le roi André prit en effet la peine d’assurer la retraite pacifique d’Henri et de ses troupes. En outre, après la mort d’Henri en juin 1216, les barons de l’empire latin offrirent le trône impérial au roi de Hongrie, qui dut cependant refuser sous la pression du pape, celui-ci mettant en avant son vœu de croisade [83].
47
La politique septentrionale de l’empereur Henri ne fut donc que partiellement couronnée de succès. Sur le plan défensif, les alliances bulgare et hongroise ont eu le résultat désiré. Dans les années 1212-1216, il n’est plus question d’invasions bulgares ou autres. Autre acquis : la stabilité de l’empire latin comparée à la faiblesse d’une Bulgarie déchirée par des troubles internes. Sur le plan offensif, Henri n’a pas réussi à étendre son autorité notamment en direction de la Serbie, bien que l’entente hongroise ait certainement renforcé sa position dans les Balkans. D’une part, ni le roi de Hongrie, ni le souverain bulgare ne pouvaient vraiment se consacrer à l’alliance latine, ce qui la rendait inefficace. D’autre part, l’empereur latin ne disposait pas de moyens suffisants pour accroître son influence au-delà de ses frontières.
d L’empire latin, les États latins en Syrie-Palestine et le sultanat de Konya (1204-1216)
48
J’ai souligné ailleurs que l’empereur Henri nourrissait l’ambition de jouer un rôle en Syrie-Palestine, d’une part pour démontrer que la domination latine à Constantinople pouvait être utile à la défense de la Terre sainte, d’autre part pour poursuivre la politique traditionnelle des empereurs byzantins envers la Syrie-Palestine. En effet, vers 1213-1216, il projetait une expédition militaire en faveur des États latins de Syrie-Palestine ; il s’agissait probablement d’une participation à la cinquième croisade [84]. Le but ultime de cette politique orientale aurait été de s’approprier une prééminence reconnue partout, celle de l’empereur latin comme autorité suprême de la partie orientale du monde méditerranéen chrétien.
49
Mais il y a plus. En 1204, à Acre, Bohémond IV de Tripoli et d’Antioche faisait hommage pour la principauté d’Antioche à Marie de Champagne, l’épouse du premier empereur latin de Constantinople, Baudouin de Flandre-Hainaut [85]. Bohémond reconnaissait ainsi l’empereur latin comme l’héritier direct de l’empereur byzantin, qui avait réclamé avec succès la suzeraineté sur Antioche jusqu’en 1180 [86]. Le seigneur de Tripoli et d’Antioche voyait là un moyen habile pour renforcer sa position comme prince d’Antioche, qui lui était contestée par le roi Léon Ier du royaume arménien de Cilicie [87]. Dans l’article cité, je supposais que – à l’exemple de son frère Baudouin et à l’image de la politique byzantine traditionnelle à l’égard d’Antioche – l’empereur Henri avait dû être le suzerain du prince d’Antioche, bien qu’aucune source étayant cette thèse ne m’était connue. Depuis lors, j’ai découvert, dans une lettre de 1213 adressée par Innocent III au patriarche de Jérusalem, un passage qui atteste le lien de vassalité existant entre l’empereur latin de Constantinople et le prince d’Antioche. Dans cette lettre, il apparaît que, vers 1213, Bohémond se reconnaissait explicitement comme le vassal de l’empereur latin [88].
50
L’empereur Henri a donc renouvelé le lien de vassalité avec Bohémond IV à une date située entre son couronnement, en 1206, et la lettre papale de 1213. Il ressort de cette dernière lettre que Bohémond prétendit devant le patriarche de Jérusalem que l’empereur latin avait obtenu d’Innocent III que le prince d’Antioche ne soit justiciable devant aucun tribunal ecclésiastique, essayant par là d’éviter un jugement ecclésiastique dans le conflit qu’il entretenait avec Léon II [89]. Le pape nia fermement l’attribution de ce privilège. Mais le fait que le patriarche de Jérusalem – bien placé pour voir clair dans la constellation politique d’Outremer – ait jugé vraisemblable l’existence d’un tel privilège, semble démontrer qu’il y avait des contacts diplomatiques entre les cours de Constantinople et d’Antioche. La crédibilité de ce privilège aux yeux du patriarche de Jérusalem témoigne d’un engagement diplomatique dans les affaires d’Antioche de la part de l’empereur latin.
51
Toutefois aucune source ne nous indique une véritable influence politique de la cour de Constantinople sur la principauté d’Antioche sous le règne d’Henri de Flandre-Hainaut. Ceci n’est guère surprenant car on a vu que, jusqu’en 1213, l’empereur latin était complètement absorbé par la lutte avec l’empire de Nicée, l’Épire et la Bulgarie. L’empereur latin ne semble donc avoir joué aucun rôle actif dans le conflit politique avec Léon II, ni dans le conflit religieux relatif au patriarcat d’Antioche [90]. Toutefois, vu l’existence de relations diplomatiques entre Constantinople et Antioche, et compte tenu de l’alliance entre Antioche et le sultan de Konya contre le royaume arménien de Cilicie ainsi que celle entre Constantinople et Konya, un rôle modeste sur le plan diplomatique ne peut être exclu [91]. En s’alignant prudemment sur la politique pontificale, peut-être l’empereur Henri a-t-il essayé d’amener Bohémond à accepter un arbitrage ecclésiastique. En 1204, Marie de Champagne avait en tout cas favorisé des négociations entre les deux parties. En outre, il se peut qu’Henri ait voulu intervenir activement dans ces conflits complexes à l’occasion de son expédition en faveur des États latins en terre sainte (qu’il paraît avoir projetée dès 1213). Ce n’est là que pure supposition: les registres de la correspondance pontificale des années 1214-1216 ne sont pas conservés et Henri mourut en juin 1216. La prise d’Antioche par Léon Ier, en février 1216, eût été en tout cas un bon prétexte, aux yeux de l’empereur Henri, pour aider son vassal Bohémond, une solution pacifique n’ayant pu être trouvée. Enfin, le lien féodal entre Constantinople et Antioche ainsi que l’amitié entre Constantinople et Konya furent sans doute quelques-unes des raisons pour lesquelles le royaume arménien de Cilicie se rapprocha, vers 1209-1210, de l’empire de Nicée, qui devait se méfier également de l’alliance entre Constantinople et Konya [92].
52
Bien que la mort prématurée d’Henri l’ait empêché d’y obtenir des résultats substantiels, il apparaît donc que les États latins de Syrie-Palestine ont fait partie de l’horizon politique de l’empereur Henri. Et quoique les réalisations de son engagement politique envers la Syrie-Palestine furent peu importantes, tout cela donnait à son empire un rayonnement international, un caractère d’universalité.
53
Il est clair que l’empire latin, l’empire de Nicée, le royaume arménien de Cilicie, la principauté d’Antioche et le sultanat de Konya étaient impliqués dans une constellation politique très complexe. Aussi est-il intéressant de prêter un peu plus d’attention aux relations entre l’empire latin et le sultanat de Konya. On a vu qu’une alliance entre ces deux États avait été conclue vraisemblablement entre la fin de 1209 et le début de 1211 [93]. Dans sa lettre de 1213 à Pergame, l’empereur Henri appelait cet accord avec le sultan de Konya, Ghiatheddin Kaikosrau Ier, une amicitia. Cette «amitié» impliquait une assistance (militaire) mutuelle contre l’empire de Nicée. Ce fut sans doute grâce à l’aide seljûqide que les pertes latines en Asie Mineure de 1210-1212 restèrent assez limitées. De leur côté les Latins jouèrent peut-être un rôle subtil et indirect dans l’invasion de l’empire de Nicée par Kaikosrau en 1212 en lui fournissant un prétexte et bien qu’ils ne furent pas en mesure de lui livrer des auxiliaires (sans doute en raison de leurs préoccupations propres en Épire) [94].
54
Après la mort de Kaikosrau, à la bataille d’Antioche-sur-le-Méandre (avril-mai 1212), l’alliance entre Constantinople et Konya se maintint sans doute: lors de sa marche victorieuse en Asie Mineure en 1213, l’empereur Henri s’arrêta à la frontière seldjûqide, et entre 1212 et 1220, les Vénitiens, partenaires dans l’empire latin, renouvelèrent leur accord avec le successeur de Kaikosrau, son fils Kaikaus [95]. La paix qui avait été conclue entre Konya et Nicée après la bataille d’Antioche-sur-le-Méandre ôta cependant à l’entente latino-seljûqide son caractère offensif [96]. L’élément défensif était au contraire renforcé : l’ensemble des accords signés entre Nicée et Konya et entre Constaninople et Konya ont certainement joué un rôle stabilisateur en Asie Mineure du nord-ouest [97]. Il ne semble pas, cependant, que le complexe des alliances apparentées « Konya-Bohémond IV, Bohémond IV-Constantinople et Constantinople-Konya » ait influencé le déroulement du conflit entre Bohémond IV et Léon Ier d’Arménie, à propos d’Antioche. Par exemple : il n’y a aucune raison de supposer que l’empereur Henri ait encouragé l’attaque seljûqide contre le royaume arménien en 1216, Léon Ier s’étant emparé peu avant d’Antioche, au détriment de Bohémond IV. Constantinople était simplement trop loin de cette région pour y peser d’une quelconque manière sur la constellation politique : le sultan de Konya, Bohémond IV et Léon Ier avaient tous leurs motivations et objectifs propres à poursuivre. De plus, des démarches auprès du sultan pour l’encourager à soutenir Bohémond IV contre Léon Ier (orienté vers Rome depuis 1198), auraient probablement nui à la bonne entente avec la papauté [98]. Seule l’expédition en terre sainte projetée par l’empereur Henri, vers 1213-1216, aurait peut-être activé l’entente entre Konya et Constantinople en Syrie du nord.
55
L’amitié entre Constantinople et Konya vers 1210-1216 n’a donc eu des résultats réels qu’au nord-ouest de l’Asie Mineure. Elle permettait de mieux se défendre contre l’empire de Nicée en 1210-1212 et, dès 1213, elle était un facteur de stabilité. Cette entente a probablement aussi facilité le voyage des pèlerins en route vers la terre sainte à travers l’Asie Mineure [99]. Les bénéfices de cette alliance semblent avoir été plutôt limités. L’empereur Henri et le sultan de Konya avaient tous les deux beaucoup trop d’autres soucis pour pouvoir s’y consacrer pleinement [100].
4 Conclusion: le fondement des succès latins. Une interprétation
56
En résumé, dans les années 1210-1216, la politique internationale de l’empereur Henri se concentra d’abord sur l’intégration de l’Épire dans la structure féodale de l’empire latin (1210-1212); il se consacra ensuite à l’expansion de l’empire en Asie Mineure au détriment de l’empire de Nicée (1212-1213) et enfin à la stabilisation de la frontière septentrionale et à l’extension de son influence dans cette région (1214-1216). En même temps, les Latins de Constantinople ont toujours porté de l’intérêt aux États latins de Syrie-Palestine, dont la principauté reconnaissait la suzeraineté de l’empereur latin, et ils ont toujours prêté attention aux relations avec l’Occident. Par des lettres circulaires, ils propagèrent l’idée de leur empire auprès des prélats et des princes occidentaux, et l’empereur Henri usa de ses relations familiales en Flandre et en Hainaut pour renforcer la position de l’empire. Dans la période en question, l’empereur Henri ne semble pourtant pas avoir mené une politique occidentale très active.
57
Les Latins obtinrent incontestablement des succès remarquables : la reconnaissance de la suzeraineté latine par Michel Doucas d’Épire, la conquête d’une partie du nord-ouest de l’Asie Mineure, conquète assurée par une paix durable, la stabilité de la frontière avec la Bulgarie (et l’espoir d’incorporer cet empire pacifiquement), un rayonnement international du prestige de l’empire latin (au moins dans la partie orientale de la Méditerranée). Mais en même temps, ils furent confrontés aux limites de leurs possibilités : le territoire assez restreint qu’ils pouvaient conserver en Asie Mineure, la reconnaissance de l’empire de Nicée, la perte de la suzeraineté sur la Paphlagonie, l’échec en Serbie, l’efficacité limitée des alliances avec la Bulgarie, la Hongrie et les Seljûqs de Konya, l’attitude inquiétante de Théodore Doucas d’Épire, enfin l’influence presque inexistante en Syrie-Palestine. De même, le soutien du monde occidental ne semble pas avoir été très grand, même si le pape continua à soutenir l’empire.
58
Le bilan reste en tout cas positif. L’on ne peut mettre en doute la considérable expansion territoriale, la stabilité relative des frontières (qui favorisait le calme à l’intérieur), l’augmentation de l’influence et du prestige de l’empire, et une position favorable auprès du pape. Tout cela paraissait rassurant. L’empire latin était l’État chrétien le plus puissant de la région et même de toute la Méditerranée orientale, et les projets d’Henri en 1216 donnent à penser qu’il ne renonçait pas à la poursuite d’une politique inspirée par le rêve impérial d’universalité.
59
La question demeure posée : comment ce jeune empire a-t-il pu réaliser cette politique étrangère active et ambitieuse ? Une tentative de réponse n’est sans doute pas déplacée [101].
60
On retiendra tout d’abord que la combativité militaire des Latins fut remarquable. Bien qu’à certains moments ils durent se battre sur deux fronts, ils n’ont perdu aucune bataille. Ceci implique une organisation efficace, un commandement compétent et des effectifs suffisants. Quoique l’aide en provenante de l’Occident ne semble pas avoir été substantielle (eu égard aux plaintes répétées d’Henri), apparemment les Latins surent remédier à ce mal, par exemple par le recrutement de contingents grecs. C’est dans ce contexte qu’il convient d’apprécier les plaintes de l’empereur Henri à propos d’un manque de moyens. Sans doute n’en avait-il pas assez pour réaliser ses hautes aspirations universelles, qui comprenaient entre autres l’incorporation de l’empire de Nicée, de la Bulgarie et de la Serbie. Mais le maintien de la situation de l’empire, au tournant des années 1213-1214, à l’aide des moyens disponibles, était tout à fait réalisable. Certes, l’aide occidentale était toujours souhaitable et requise, mais, à ce moment, elle n’était pas d’une importance vitale.
61
L’on constate ensuite une certaine stabilité à l’intérieur de l’empire latin durant la période en question. Il est évident que cette réalité a largement favorisé une politique étrangère active et couronnée de succès. Cette stabilité était due à deux facteurs. La bonne entente entre les cours principales de l’empire (Constantinople, Thessalonique et Andravida en Morée), tout d’abord. Ce fut le résultat d’une politique délibérée de la part d’Henri. D’une main ferme, mais clémente, il amena les barons de l’empire à reconnaître son autorité impériale (1206-1209) et ainsi il créa l’harmonie dans l’empire [102]. Second élément stabilisateur : la politique de tolérance et d’intégration envers la population grecque. L’empereur Henri, mais aussi les autres princes et barons latins, acceptèrent les Grecs dans leur armée et leur administration. Il soutint la cause des Grecs sur le plan religieux, quand des ecclésiastiques latins se comportaient de façon déraisonnable. Aussi des segments importants de la population grecque purent-ils admettre une présence latine à Byzance [103].
62
Enfin, les adversaires de l’empire latin n’étaient pas si terribles. L’empire de Nicée et l’Épire n’avaient qu’un territoire et des moyens réduits. En outre, Nicée avait bien d’autres soucis, par exemple la Paphlagonie et le sultanat de Konya. La Bulgarie de Boril, déchirée par de nombreuses querelles, n’était plus l’empire redoutable que Kalojan et ses prédécesseurs avaient construit.
63
Reste à proposer quelques réflexions sur l’identité de l’État construit sous le règne d’Henri de Flandre-Hainaut.
64
L’empire latin comprenait vers 1213 la plupart des territoires qui appartenaient à l’empire byzantin en 1203-1204 (Constantinople, la Thrace, la Macédoine, les Rhodopes et Philippopolis, la Thessalie, l’Épire, la Morée, la plupart des îles, et une partie du nord-ouest de l’Asie Mineure), tandis que les empires grecs (en Asie Mineure : Nicée et Trébizonde) n’occupaient qu’une aire restreinte [104].
65
Bien que les Latins aient introduit toute une superstructure féodale et divers autres changements, bien des éléments de l’ordre social et administratif byzantin demeurèrent plus ou moins intacts [105]. Dans le même ordre d’idées, il faut remarquer que l’empire de Nicée a également créé d’importantes structures et institutions nouvelles, qui n’existaient pas dans l’ancien empire [106].
66
L’élément indigène ou byzantin dans l’administration de l’empire latin était important. La région d’Andrinople-Didymotique, la région des Rhodopes, l’Épire et probablement aussi le territoire latin en Asie Mineure étaient gouvernés par des indigènes. Dans les autres régions, les Grecs participaient également au gouvernement de l’empire (tant à Constantinople qu’à Thessalonique et en Morée) et ils prenaient part à la défense de l’empire [107]. Dans cet ordre d’idées, il ne faut pas perdre de vue qu’inversement l’élément latin dans l’empire de Nicée était assez important, surtout sur le plan militaire [108].
67
Enfin, l’empereur Henri – en reprenant en partie l’idéologie impériale byzantine – se considérait explicitement comme l’empereur byzantin légitime. Une bonne partie de la population grecque paraît l’avoir reconnu comme tel [109]. Et l’on ajoutera que la légitimité du premier empereur de Nicée, Théodore Ier Lascaris, n’était pas si évidente pour la population grecque, y compris dans son propre territoire [110].
68
Compte tenu de ce qui précède, il convient de remarquer que, vers 1213, l’empire dit latin de Constantinople pouvait à juste titre – et peut-être avec plus de raison que Nicée ou Trébizonde – se proclamer l’héritier direct de l’empire byzantin de la période antérieure. Dans ce contexte, il serait peut-être plus correct de parler de l’empire de Constantinople, sans autre qualificatif, comme on parle de l’empire de Nicée ou de l’empire de Trébizonde. Cet État, continuateur de l’empire de Constantinople du XIIe siècle, avait une dynamique propre et des perspectives d’avenir. La conquête latine de 1204 n’entraîna donc pas la ruine totale de Byzance. Vers 1213-1214, les Latins, en coopération avec une partie de la population grecque, ont au contraire réussi à jeter les fondations d’une sorte de renovatio de l’empire, qui était tombé en décadence à la fin du XIIe siècle sur le plan politico-militaire [111]. L’histoire montre cependant que la renovatio latino-grecque de Byzance n’a pas subsisté. Il reste à en expliquer les causes.
Notes
[1]
GARDNER, The Lascarids of Nicaea, p. 52-76; M. ANGOLD, A Byzantine government in exile: government and society under the Laskarids of Nicaea (1204-1261), Oxford, 1975, p.12-14 ; SAVVIDES, Byzantium in the Near East, p.54-70.
[2]
PRINZING, Der Brief Kaiser Heinrichs, p. 411. Dans cette lettre Henri décrit Théodore Lascaris comme pro imperatore se gerens.
[3]
F. VAN TRICHT, « La gloire de l’empire». L’idée impériale d’Henri de Flandre-Hainaut, deuxième empereur latin de Constantinople (1206-1216), Byzantion, sous presse.
[4]
TAFEL et THOMAS, Urkunden, t. 1, p.572-573.
[5]
A. CARILE, Partitio terrarum imperii Romanie, Studi veneziani, t. 7, 1965, p.126-305.
[6]
Cf. infra. PRINZING, Der Brief Kaiser Heinrichs, p.412, 414 ; J.P. MIGNE, Innocentii tertii Romani pontificis opera omnia, P.L, t. 216, col. 354. Voir aussi ici-même, t. 107, 2001, p.219 n. 1 pour la littérature sur l’empire latin sous Henri de Flandre-Hainaut.
[7]
David Comnène mourut probablement en 1212, après s’être fait moine au monastère de Vatopedi sur le mont Athos. En 1208 il est encore mentionné comme vassal des Latins et souverain de Paphlagonie. À supposer que seule la conquête de son territoire pouvait l’avoir amené à accepter le statut monastique (c’était un homme ambitieux), Théodore Lascaris l’aurait donc battu de façon décisive entre 1209 et 1212, les Latins n’ayant pas été en mesure de le soutenir suffisamment à cette époque. Le siège d’Heraclée pontique, qui faisait partie de l’ancien territoire de David, en 1214, par Lascaris ne pose aucun problème : il n’est pas impossible que cette ville ait profité de l’invasion latine de 1212-1213 pour réclamer son indépendance, peut-être en se tournant vers le frère de David, Alexis Ier Comnène, empereur de Trébizonde. Après sa défaite, David Comnène lui-même semble donc avoir trouvé refuge auprès de son suzerain, l’empereur Henri. Voir sur cette question : ACROPOLITE, Die Chronik, p.78; A. HEISENBERG, Bibliographische Notiz, Byzantinische Zeitschrift, t. 25, 1925, p. 185 ; ID., Neue Quellen zur Geschichte des lateinischen Kaisertums und der Kirchenunion. III. Der Bericht des Nikolaos Mesarites über die politischen und kirchlichen Ereignissen des Jahres 1214, Sitzungsberichte der bayerischen Akademie der Wissenschaften, 3e livr., 1923, p. 69 et passim ; A.A. VASILIEV, The foundation of the empire of Trebizond, Speculum, t. 11, 1936, p.3-37; E. JANSSENS, Trébizonde en Cholcide, Travaux de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université libre de Bruxelles, t. 40, 1969; SAVVIDES, Byzantium in the Near East, p. 70, 127-128 ; O. LAMPSIDES, La rivalité entre l’État des Grands Comnènes et celui de Nicée à propos de l’héritage de l’idée byzantine, Actes du XVe Congrès international d’Études byzantines, t. 4, Athènes, 1980, p.186-191; A. BRYER et D. WINFIELD, The Byzantine monuments and topography of the Pontos, Dumbarton Oaks Studies, t. 39, 1985, p.71; S.P. KARPOV, L’impero di Trebisonde, Rome, 1986.
[8]
PRINZING, Op. cit., p. 412 ; ID., Die Bedeutung, p. 106-107 ; GEOFFROI DE VILLEHARDOUIN, La conquête de Constantinople, éd. E. FARAL, t. 2, Paris, 1961, p.274-275; LONGNON, L’empire latin, p.98-99 ; DUJCEV, Das Synodikon von Borilals Geschichte und Schrifttumsdenkmal, p.118.
[9]
PRINZING, Der Brief Kaiser Heinrichs, p. 413-414.
[10]
Probablement à une date située entre la fin de 1209 et le début de 1211 Henri de Flandre-Hainaut et Ghiatheddin Kaikosrau avaient conclu une alliance (amiciciam iuramento). À propos de cette datation : aucune des sources, tout de même assez abondantes jusqu’à 1209, ne fait allusion à un tel accord et, dès le début de 1211, Henri est occupé en Épire ; cependant, de la fin de 1209 au début de 1211, l’empereur Henri est présent à Constantinople et est donc disponible pour la conclusion de cette alliance. Voir aussi : PRINZING, Der Brief Kaiser Heinrichs, p. 414; GERLAND, Geschichte des lateinischen Kaiserreiches, p. 210-211 (qui n’apporte aucun argument pour la date qu’il avance, soit 1209); LONGNON, Op. cit., p. 124; S. BREZEANU, Le premier traité économique entre Venise et Nicée, Revue des Études sud-est européennes, t. 12, 1974, p.144 ; HENDRICKX, Régestes des empereurs latins, p.85.
[11]
PRINZING, Der Brief Kaiser Heinrichs, p. 415.
[12]
GEOFFROI DE VILLEHARDOUIN, La conquête de Constantinople, p.304-305 ; HENRI DE VALENCIENNES, Histoire de l’empereur Henri de Constantinople, p. 105, 110, 116 ; ACROPOLITE, Die Chronik, p.84-85; P.L, t. 216, col. 594-595, 951-952 et 303.
[13]
R.L. WOLFF, The « second Bulgarian empire» : it’s origin and history to 1204, Speculum, t. 24, 1949, p.182-190 ; T.N. VLACHOS, Kalojan plündert Thrakien und Makedonien, Byzantina, t. 2, 1970, p.271-283; LONGNON, L’empire latin, p. 104. Après la victoire latine en 1208, les raids bulgares semblent avoir été beaucoup moins dangereux ou dévastateurs. Les seules mentions d’attaques – d’ailleurs toutes parées par les Latins – ou de plans d’attaque bulgare après 1208: HENRI DE VALENCIENNES, Histoire de l’empereur Henri de Constantinople, p.117 ; PRINZING, Der Brief Kaiser Heinrichs, p. 411, 413-414, 417-418.
[14]
Écho de cette mentalité chez Akropolites: à cause des troubles religieux à Constantinople, vers 1214-1215, entre la population grecque et le légat pontifical Pélage, les notables grecs vinrent dire à Henri de Flandre-Hainaut qu’il pouvait bien régner sur leurs corps, mais point sur leurs âmes et leurs esprits. S’il ne leur garantissait pas une liberté culturelle et religieuse, ils s’enfuiraient de son empire (vraisemblablement vers Nicée) (ACROPOLITE, Die Chronik, p.85-86).
[15]
Voir aussi: PRINZING, Die Bedeutung, p. 2-9. Les Latins considéraient Alexis III et Alexis V comme des usurpateurs.
[16]
PRINZING, Der Brief Kaiser Heinrichs, p. 415.
[17]
LONGNON, L’empire latin, p.77-87 ; PRINZING, Die Bedeutung, p. 44-64.
[18]
À ce moment le gouvernement du royaume de Thessalonique était entre les mains compétentes de Marguerite de Hongrie, tutrice de son fils Démètre, du régent Berthold de Katzenelnbogen, seigneur de Vélestino, et du frère d’Henri, Eustache. Henri y avait laissé une partie de son armée avant de retourner à Constantinople en mars 1212.
[19]
LONGNON, La campagne d’Henri de Hainaut, p.448-450; ID., L’empire latin, p.126-128. Voir aussi: GARDNER, The Lascarids of Nicaea, p. 83-86; GERLAND, Geschichte des lateinischen Kaiserreiches, p.215-218.
[20]
Deux sources seulement évoquent cet épisode: PRINZING, Op.cit., p. 415-417; ACROPOLITE, Die Chronik, p.83-85. Le récit d’Acropolites est cependant incomplet et assez confus.
[21]
La lutte contre l’empire orthodoxe de Nicée avait encore une connotation religieuse : au cours de la bataille l’armée latine était précédée d’un crucifix (PRINZING, Op.cit., p. 416).
[22]
ACROPOLITE, Die Chronik, p.84-85.
[23]
Par exemple (ces auteurs datent encore de 1212 la lettre d’Henri à Pergame, de laquelle la datation de la paix entre Henri et Lascaris dépend ; par conséquent ils placent également cette paix en 1212) : ANGOLD, A Byzantine government, p. 111; DÖLGER et WIRTH, Regesten der Kaiserurkunden, p. 6; THREADGOLD, A history of the Byzantine state, p.717.
[24]
Par exemple: OSTROGORSKY, Geschichte des byzantinischen Staates, p.355 ; S. VRYONIS, The decline of medieval Hellenism in Asia Minor and the process of Islamization from the eleventh through the fifteenth century, Berkeley, 1971, p.131; LOCK, The Franks in the Aegean, p.56.
[25]
P.L., t. 216, col. 901-903.
[26]
DÖLGER, Op.cit., p.6, doute également de la thèse de Longnon.
[27]
En se fondant sur Longnon, Brezeanu aussi a attribué – à tort donc – un rôle prépondérant au pape dans la conclusion de la paix entre Henri et Lascaris (BREZEANU, Le premier traité économique, p.144-145).
[28]
ACROPOLITE, Die Chronik, p. 84.
[29]
Plusieurs auteurs ont estimé qu’Andramytion a été conservé par Lascaris, arguant du fait que cette ville faisait partie du thème Neokastra (par exemple: GARDNER, The Lascarids of Nicaea, p. 85; VRYONIS, The decline of medieval Hellenism, p.131 ; SAVVIDES, Byzantium in the Near East, p.121; DÖLGER, Op.cit., p. 6). Angold a cependant montré qu’Andramytion n’appartenait plus au thème Neokastra dès la fin du XIIe siècle (A Byzantine government, p.246). En outre, Andramytion se trouve bien au nord du village frontalier de Kalamos.
[30]
ACROPOLITE, Die Chronik, p. 90-91. H. Ahrweiler prétend toutefois que Lascaris a occupé le littoral de la mer de Marmara de façon définitive depuis 1207. Elle ne tient pas compte de l’offensive de l’empereur Henri en 1212-1213, ni des données d’Acropolite (H. AHRWEILER, Byzance et la Mer, Paris, 1966, p.311-313).
[31]
Voir aussi: ACROPOLITE, Die Chronik, p.84.
[32]
Selon GERLAND, l’une des stipulations concernait l’extradition de trois prisonniers notables d’Henri, qu’il avait capturés au siège de Lentiana (Constantin Lascaris, frère de l’empereur Théodore, Andronique Paléologue, beau-fils de Théodore, et Dermocaites, chef de l’armée): Geschichte des lateinischen Kaiserreiches, p.219. Mais le récit d’Acropolite semble plutôt s’opposer à une telle hypothèse. Ces trois personnages furent extradés immédiatement après la capitulation de la ville (ACROPOLITE, Die Chronik, p.85).
[33]
OSTROGORSKY, Geschichte des Byzantinischen Staates, p.355.
[34]
TAFEL et THOMAS, Urkunden, t. 2, p.205-206.
[35]
ANGOLD, A Byzantine government, p. 33-35; F. VAN TRICHT, « La gloire de l’empire ».
[36]
Sur l’étendue de l’empire de Nicée: P. CHARANIS, On the Asiatic frontiers of the empire of Nicaea, Orientalia Christiana Periodica, t. 13, 1947, p.58-62; R.L. WOLFF, The Lascarids’ Asiatic frontiers once again, Orientalia Christiana periodica, t. 15, p.194-197 ; ANGOLD, Op.cit., p.244-249; SAVVIDES, Byzantium in the Near East, p.111.
[37]
Les Vénitiens du consilium de l’empereur Henri ont sans doute soutenu ce point de vue. Mais il faut souligner que la possession du littoral était fort importante pour tous les Latins car il fortifiait Constantinople. Il n’y a donc aucune raison d’attribuer à la république de Venise un rôle prépondérant, comme l’a fait BREZEANU (Op. cit., p.144-145).
[38]
ACROPOLITE, Die Chronik, p. 85. On peut penser toutefois qu’Henri y maintenait aussi quelques garnisons latines.
[39]
ANGOLD, Op. cit., p.241.
[40]
Quelques byzantinistes ont néanmoins essayé de minimiser le succès de la campagne d’Henri. Quelques exemples : GARDNER prétend que « Theodore seems to have had the best part of the bargain » (The Lascarids of Nicaea, p. 86); SAVVIDES dit que « the renewal of the Latin attacks on the western Nicaean territories was not particularly effective » (Op.cit., p.48, 121-122); OSTROGORSKY parle de cet épisode comme d’une « Kleinkrieg» sans importance (Geschichte des byzantinischen Staates, p.355) ; THREADGOLD estime que les conquêtes latines «were still precarious, because the empire of Nicaea held everything to the south of them » (A history of the Byzantine State, p.717-718). Ces auteurs ne tiennent pas compte du fait qu’Henri a conquis une partie considérable des terres de Lascaris et qu’il a solidement assuré la frontière orientale de son empire.
[41]
BREZEANU a prétendu qu’à la suite de cette paix un traité économique a été conclu entre Venise et l’empire de Nicée en 1214 (Op. cit., p.143-146). DÖLGER a cependant repoussé cette hypothèse de façon convaincante (Regesten der Kaiserurkunden, p.13).
[42]
VRYONIS, The decline of medieval Hellenism, p.131-132.
[43]
Voir aussi : ANGOLD, A Byzantine government, p. 13-14 ; H. AHRWEILER, L’expérience nicéenne, Dumbarton Oaks Papers, t. 29, 1975, p. 31-33.
[44]
Sur ce conflit et ses origines: B. PRIMOV, The papacy, the fourth crusade and Bulgaria, Byzantino-bulgarica, t. 1, 1962, p. 204-211; PRINZING, Die Bedeutung, p.1-44.
[45]
PRINZING, Der Brief Heinrichs, p. 414, 417-418; ID., Die Bedeutung, p.105-107. La première attaque était celle de Strêz, seigneur de Prosêk, appuyée par une armée bulgare envoyée par Boril (vers avril-juillet 1212). La défaite de Strêz à Pélagonia signifiait son retrait de la scène politique. Il paraît assez probable que les Latins de Thessalonique ont profité de l’occasion pour occuper quelques places fortes de Strêz (Prosêk et Pélagonia), afin de mieux protéger Thessalonique des attaques bulgares. Cette hypothèse peut expliquer l’attaque de Boril lui-même contre le royaume de Thessalonique à la fin de 1212. Mais les Latins, aidés par le vassal latin Slav, seigneur de Tsépéna et de Melnik, le défirent de façon décisive.
[46]
Robert de Clari – le seul auteur à traiter en détail de la conclusion d’un accord entre l’empire latin et la Bulgarie – confirme ce point de vue (ROBERT DE CLARI, La conquête de Constantinople, p.108).
[47]
PRINZING, Die Bedeutung, p. 115. Jean II Asen était le fils du frère aîné de Kalojan, Asen, qui avait entamé la sédition bulgare contre Byzance en 1185. Il était l’héritier légitime de Kalojan. Avec l’usurpation ou plutôt l’« avènement contesté» de Boril, il s’était enfui vers les Coumans et, par la suite, vers la Russie (DUJCEV, Das Synodikon von Borilals Geschichte und Schrifttumsdenkmal, p.115-118).
[48]
DUJCEV, Boril, col. 458.
[49]
Voir aussi: PRINZING, Die Bedeutung, p.108.
[50]
ROBERT DE CLARI, La conquête de Constantinople, p.108-109 (l’expression bele fille signifie d’après le contexte clairement « une fille jolie» et non « belle-fille», comme le prétend ERSZEGLI – cf. n. 51). AUBRY DE TROIS-FONTAINES, Chronicon, M.G.H., SS., t. 23, p.886 ; E. LE GIBLET et B. LE TRÉSORIER, Chronique, éd. L. DE MAS LATRIE, Paris, 1871, p.391 ; A. DANDOLO, Chronica per extansa descripta, éd. E. PASTORELLO, Rerum Italicarum Scriptores, t. 12,1, Castello, 1900, col. 338. Gerland estimait toutefois natürlicher – en dépit des sources – que Boril ait commencé les pourparlers. Il ne réalisait pas que les Latins eux-mêmes avaient de bonnes raisons de conclure une paix avec la Bulgarie (Geschichte des lateinischen Kaiserreiches, p.247).
[51]
Certains auteurs (par exemple: PRINZING, Die Bedeutung, p.108 et G. ERSZEGI, Eine neue Quelle zur Geschichte der bulgarisch-ungarischen Beziehungen während der Herrschaft Borils, Bulgarian historical Review, t. 3, 1975, p. 93) associent à cette ambassade la mission d’un légat pontifical (ils supposent qu’il s’agit de Pélage – voir plus haut) auprès du souverain bulgare. Cette hypothèse est cependant fondée sur une interprétation fautive d’un passage d’Aubry de Trois-Fontaines: la mission du légat et la question du mariage sont deux événements distincts (AUBRY DE TROIS-FONTAINES, Chronicon, p. 886). Il se peut toutefois que le légat Pélage, qui se trouvait à Constantinople dès la fin de 1213 jusqu’à la fin de 1214, ait joué quelque rôle dans la conclusion de la paix entre la Bulgarie et l’empire latin. Du reste, peut-être le seigneur bulgare de la région des Rhodopes Alexis Slav, vassal des Latins et cousin germain de Boril, a-t-il également joué un rôle dans les négociations, bien que les sources, fragmentaires, n’en disent rien.
[52]
ROBERT DE CLARI, La conquête de Constantinople, p.108-109. Certains auteurs (par exemple : ERSZEGLI, Op. cit., p.93 et V. GJUSELEV, Bulgarien und das Kaiserreich von Nikaia (1204-1261), Jahrbuch der österreichischen Byzantinistik, t. 26, 1977, p. 146) ont prétendu que l’épouse bulgare d’Henri était en effet une fille de Kalojan (donc la nièce de Boril) et qu’une nièce d’Henri aurait été mariée à Boril. Ils se sont fondés pour cela sur les chroniques de Philippe Mouskes et de Baudouin d’Avesnes (PHILIPPE MOUSKES, Chronique rimée, éd. Fr. DE REIFFENBERG, t. 2, Bruxelles, 1836, p.405 ; BAUDOUIN D’AVESNES, Chronicon Hanoniense, éd. J.B.M.C. KERVYN DE LETTENHOVE, Istore et chroniques de Flandre, t. 2, Bruxelles, 1880, p. 674). Robert de Clari et Aubry de Trois-Fontaines semblent cependant être plus dignes de confiance en ce qui concerne les événements relatifs à l’empire latin.
[53]
La conclusion de cette paix doit se situer en effet après la campagne de l’empereur Henri en Asie Mineure (donc après la période été-automne 1213) et avant la campagne de Boril et Henri vers la Serbie au cours de l’année 1214 (voir plus loin). Voir aussi: PRINZING, Die Bedeutung, p.110 ; HENDRICKX, Régestes des empereurs latins, p.94.
[54]
Les éléments soutenant cette hypothèse : Vizya et Vrysis : HENRI DE VALENCIENNES, Histoire de l’empereur Henri de Constantinople, p. 56. Andrinople: Id., p.29-30 (surtout n. 2). Philippopolis etc. : Id., p.35, 46 et B. HENDRICKX, Les Arméniens d’Asie Mineure et de Thrace au début de l’empire latin de Constantinople, Revue des Études arméniennes, t. 1, 1990, p.222. Tsépéna et Melnik appartenaient au territoire de Slav, vassal de l’empereur Henri (PRINZING, Die Bedeutung, p. 101, 107). Prosêk et Pélagonia : cf. n. 45. Prinzing (Id., p.114) suppose de façon assez illogique que Prosêk a été reconquis par Boril après la défaite de Strêz à Pélagonia (1212): une armée bulgare y avait pourtant été défaite aux côtés de ce dernier ! Il paraît plus probable qu’à la conclusion de la paix, en 1213 (ou 1214), Henri et Boril se soient partagé l’ancien territoire de Strêz. Boril aurait donc reçu la partie septentrionale (Ochrida-Prilep), Henri la partie méridionale (Prosêk-Pélagonia).
[55]
Cf. n. 84 et voir plus loin.
[56]
ERSZEGLI, Op. cit., p.93.
[57]
La seule source qui nous informe sur cette campagne est un récit hagiographique, La vie de saint Syméon Nemanja, rédigée par son fils Étienne II Nemanja. Syméon (c’était son nom monastique, son nom originel étant Étienne) et Étienne II furent tous deux souverains de Serbie (respectivement en 1166-1196 et en 1196-1227). Le but d’Étienne II était de légitimer son pouvoir et d’exalter sa dynastie. Les faits historiques sont présentés comme des miracles de saint Syméon Nemanja (S. HAFNER, Stefan Nemanja nach den Viten des hl. Sava und Stefans des Erstgekrönten, Serbisches Mittelalter, Altserbische Herrscherbiographien, t. 1, Graz, 1962, p. 68-69).
[58]
PRINZING, Die Bedeutung, p. 100.
[59]
PRINZING, Op. cit., p.109.
[60]
HAFNER, Stefan Nemanja, p.113. C’était en tout cas son but lors de sa campagne de 1215 en Serbie (cf. infra).
[61]
VAN TRICHT, «La gloire de l’empire». La Serbie obtint son indépendance sous Étienne I Nemanja, quoique le pays s’orientait encore vers Byzance (PRINZING, Die Bedeutung, p. 93).
[62]
PRINZING, Die Bedeutung, p. 109; HAFNER, Stefan Nemanja, p.66 (et les références p. 167).
[63]
Que les Latins et les Bulgares se soient battus en route à Nis («sie besiegten sich gegenseitig ») serait ainsi une exagération de la part d’Étienne II Nemanja, voulant ridiculiser ses adversaires. Il est toutefois probable que l’abandon des Bulgares causa un sentiment de mécontentement chez leurs alliés latins. L’hypothèse de l’unification projetée des empires latin et bulgare (cf. supra) soutient d’ailleurs aussi l’idée du maintien des bonnes relations entre la Bulgarie et l’empire latin.
[64]
Voir plus haut et 1re part. n. 84.
[65]
HAFNER, Stefan Nemanja, p. 117-120. Pour la datation : PRINZING, Die Bedeutung, p. 110-111.
[66]
Étienne II Nemanja dit qu’au moment de l’attaque de Michel Doucas, il se trouvait éloigné de la région de Skutari : une allusion à l’invasion latino-bulgare, comme le suppose PRINZING (Die Bedeutung, p.110). Sur le fait que Nemanja ne mentionne pas que Doucas était un vassal de l’empereur latin, cf. 1re part. n. 85.
[67]
LONGNON, L’empire latin, p. 58. Marguerite (nom byzantin : Marie) était la veuve de l’empereur byzantin Isaac II Ange. Au moment de la conquête de Constantinople par les croisés en avril 1204, elle se trouvait donc depuis des années dans la capitale byzantine.
[68]
HENRI DE VALENCIENNES, Histoire de l’empereur Henri de Constantinople, p.77-79 et passim ; P.L., t. 216, col. 227; PRINZING, Der Brief Kaiser Heinrichs, p.412, 417.
[69]
L’alliance étant liée à un projet de mariage, le terminus post quem doit être la mort de la première femme d’André II, vers septembre 1213 (B. HOMAN, Geschichte des Ungarischen Mittelalters, t. 2, Berlin, 1943, p. 14). Le terminus ante quem est le printemps 1215, quand Henri et André II entreprirent une campagne en Serbie (PRINZING, Die Bedeutung, p.110). En tenant compte de la communication lente à cause des distances, il faut donc probablement dater les pourparlers concernant l’alliance politique et matrimoniale de l’année 1214. Comparer à: HENDRICKX, Les régestes des empereurs latins, p.95.
[70]
Sur Yolande de Flandre-Hainaut et Pierre de Courtenay: LONGNON, L’empire latin, p.153-154; B. HENDRICKX, Art. Maria van Courtenay, Nationaal Biografisch Woordenboek, t. 8, Bruxelles, 1979, col. 375-376 ; K.P. TODT, Art. Peter von Courtenay, Lexikon des Mittelalters, t. 6, Munich, 1993, col. 1930.
[71]
PHILIPPE MOUSKES, Chronique rimée, p.402. Deux autres sources mentionnent ce mariage : BAUDOUIN D’AVESNES, Chronicon Hanoniense, p.674, et AUBRY DE TROIS-FONTAINES, Chronicon, p. 609.
[72]
HOMAN, Ungarischen Mittelalters, t. 2, p.14-15.
[73]
Sur la position internationale d’importance de la Hongrie et sur ses relations avec la papauté au début du XIIIe siècle: HOMAN, Ungarischen Mittelalters, t. 2, p.1-3, 7-8, 12-14.
[74]
VAN TRICHT, «La gloire de l’empire ».
[75]
HOMAN, Ungarischen Mittelalters, t. 2, p.3-8, 12.
[76]
Il me semble que les deux alliances ont été conçues ensemble à Constantinople vers la fin de 1213, après la campagne en Asie Mineure. Il est improbable que l’alliance latino-hongroise ait été une réaction à l’échec de l’expédition latino-bulgare de 1214, puisque la conclusion de cette alliance se situe au cours de cette même année.
[77]
HAFNER, Stefan Nemanja, p.125-128.
[78]
La phrase «er (Henri) wünschte gar sehr, von mir irgendeine wenn auch kleine Ehre zu empfangen » paraît indiquer que c’était le but de l’opération (HAFNER, Stefan Nemanja, p.128).
[79]
Le récit dit cependant qu’inversement le roi André aurait rendu beaucoup d’honneurs au souverain serbe. Vu les rapports de forces réels et vu le caractère aussi légitimant qu’exaltant de la source, cela n’est pas très crédible. On peut bien sûr douter de la sincérité d’Étienne et de ses concessions supposées: dans les années suivantes, il continua sa politique d’indépendance et vers 1217 il obtint une couronne royale du pape (PRINZING, Die Bedeutung, p.115-116, qui accepte quand même les événements à Ravno, tels qu’ils sont représentés dans la Vie de saint Syméon; il néglige cependant d’expliquer l’attitude assez étrange du roi André).
[80]
HOMAN, Ungarischen Mittelalters, t. 2, p.14.
[81]
À l’été de 1216, il entreprenait une expédition vers Halicz (Id., t. 2, p.14).
[82]
Rappelons-nous la lettre d’Henri de janvier 1213: nichil autem nobis deesse sciatis ad habendam plenam victoriam et possidendum imperium, nisi Latinorum copiam (PRINZING, Der Brief Kaiser Heinrichs, p. 418) et celle d’Innocent III à Henri de janvier 1216 : non ita tibi personarum et rerum ad presens spectat habundantia (K. HAMPE, Aus verlorenen Registerbänden, p.561).
[83]
HOMAN, Ungarischen Mittelalters, t. 2, p.16-17 ; LONGNON, L’empire latin, p.153.
[84]
VAN TRICHT, «La gloire de l’empire ». D’un passage de l’invitation de 1213 au concile de Latran de 1215 – dans laquelle l’appel à une nouvelle croisade est lancé – à l’empereur Henri, on peut déduire que ce dernier avait déjà exprimé l’intention d’entreprendre une expédition en faveur de la terre sainte (P.L., t. 216, col. 826) : cum ergo deceat et expediat ut tua imperialis sublimitas ad synodum tam solemnem nuntios dirigat speciales, serenitatem tuam monemus et exhortamur attentius quatenus praescripto termino, vita comite, viros idoneos dirigere non postponas, per quos tuae nobis aperias beneplacitum voluntatis.
[85]
Bohémond IV était le fils puîné de Bohémond III, comte de Tripoli et prince d’Antioche. Après la mort de son frère aîné Raymond III, en 1187, il succéda au comté de Tripoli et après la mort de son père en 1201 il s’assura la principauté d’Antioche. Sa position comme prince d’Antioche lui était contestée par le roi Léon Ier d’Arménie, qui revendiquait la principauté pour son petit-fils Raymond Roupen, fils de sa fille Alice et de Raymond III (C. CAHEN, Art. Bohemund IV., Lexikon des Mittelalters, t. 2, Munich, 1983, col. 333-334).
[86]
Concernant la suzeraineté de l’empereur sur Antioche: R.J. LILIE, Byzantium and the crusader states 1096-1204, Oxford, 1993, p. 244, 247.
[87]
Peut-être Bohémond voyait-il, là aussi, un moyen de se soustraire à l’influence politique du royaume de Jérusalem afin d’affirmer sa position indépendante en Syrie-Palestine. Constantinople était en tout cas beaucoup plus loin d’Antioche que Jérusalem. Voir aussi: M. NICKERSON HARDWICKE, The crusader states, 1192-1243, A history of the crusades, t. 2, Philadelphie, 1962, p. 526-534; LILIE, Byzantium and the crusader states, p.244.
[88]
P.L., t. 216, col. 792-793. La lettre traite de l’excommunication du roi arménien Léon Ier et de la lutte pour la possession d’Antioche entre ce dernier et Bohémond IV. Léon avait proposé au patriarche de Jérusalem de lui confier la résolution de la dispute entre Bohémond et lui-même à propos Antioche.
[89]
J. Richard accepte que Bohémond fait référence par ce privilège à la suzeraineté des anciens empereurs byzantins (J. RICHARD, The political and ecclesiastical organization of the crusader states, A history of the crusades, t. 5, Wisconsin, 1985, p.195). Dans la lettre mentionnée (voir n. précédente), il est cependant clair que Bohémond renvoie à un privilège que l’imperator Constantinopolitanus aurait obtenu d’Innocent III lui-même. Puisque l’influence byzantine à Antioche était presque inexistante après 1180, Bohémond avait évidemment en vue par le terme imperator Constantinopolitanus l’empereur latin de Constantinople. Ainsi il s’agirait d’Henri de Flandre-Hainaut, puisque son frère Baudouin n’a régné que pendant une période très courte (mai 1204-mars 1205). Peut-être l’empereur Henri avait-il en réalité obtenu du pape la reconnaissance du fait que le prince d’Antioche n’était – en tant que son vassal – justiciable que devant lui en matière séculière, sans cependant vouloir rivaliser avec l’autorité pontificale.
[90]
C. CAHEN, La Syrie du nord à l’époque des croisades et la principauté franque d’Antioche, Paris, 1940, p. 596-623.
[91]
C. CAHEN, The Turks in Iran and Anatolia, A history of the crusades, t. 2, p. 682-683 ; ID., La Syrie du nord, p. 608, 614 ; SAVVIDES, Byzantium in the Near East, p.116, 145-146. Le sultanat de Konya vint en aide plusieurs fois à Bohémond IV dans sa lutte contre Léon Ier.
[92]
SAVVIDES, Op.cit., p. 119-120, 130; S.D. NERSESSIAN, The kingdom of Cilician Armenia, A history of the crusades, t. 2, p.650. Théodore Ier Lascaris ne voulant pas risquer un conflit avec Konya en soutenant les Arméniens, cette alliance garda un caractère plutôt théorique.
[93]
Voir n. 10. La conclusion de cet accord signifiait la fin de celui entre Nicée et Konya, qui avait subsisté depuis 1205 (ou 1206). Vers 1209 la position du sultan de Konya était suffisamment stable. L’alliance avec Nicée perdait ainsi sa raison d’être. Au contraire, l’empire de Nicée était devenu une belle proie. Voir aussi: SAVVIDES, Op.cit., p.87-89; DÖLGER et WIRTH, Regesten der Kaiserurkunden, p.2.
[94]
LOENERTZ a proposé une hypothèse intéressante selon laquelle en 1210 les Latins, en coopération avec Michel Doucas, auraient libéré l’ex-empereur Alexis III afin de fournir au sultan Kaikosrau un prétexte pour disputer à Théodore Lascaris le trône impérial de Nicée. Lascaris était en effet le beau-fils d’Alexis III et Kaikosrau estimait qu’il avait usurpé la position de son beau-père. Alexis III avait été fait prisonnier en 1204 par Boniface de Montferrat, lors de la conquête du royaume de Thessalonique (Aux origines du despotat d’Épire, p.373-375).
[95]
PRINZING, Der Brief Kaiser Heinrichs, p.417; TAFEL et THOMAS, Urkunden, p.222.
[96]
DÖLGER, Regesten der Kaiserurkunden, p. 6; SAVVIDES, Byzantium in the Near East, p.104 (en particulier la n. 5).
[97]
Voir aussi: SAVVIDES, Op. cit., p.104-105; VRYONIS, The decline of medieval Hellenism, p.132-133 et ZAVORONKOV, Nikejsko-latinskie, p.58-60.
[98]
La situation était très complexe : CAHEN, La Syrie du nord, p.608-623.
[99]
Allusion dans l’accord de 1220 entre Konya et Venise: TAFEL et THOMAS, Urkunden, t. 2, p.222.
[100]
Pour l’empereur Henri: cf. supra. Pour les sultans de Konya : voir CAHEN, The Turks in Iran and Anatolia, p. 681-683.
[101]
Cette tentative de réponse s’oppose au point de vue de WOLFF qui estimait que « Henry’s work was built on weak foundations» (The latin empire, p.211).
[102]
J’espère consacrer prochainement un article à la politique interne de l’empire latin durant la période 1204-1216.
[103]
Cf. les références des n. 14 et 109; voir aussi supra.
[104]
Cf. n. 36.
[105]
D. JACOBY, From Byzantium to Latin Romania: continuity and change, Mediterraneum historical Review, t. 4, 1989, p.1-44 (en particulier p.32-34).
[106]
ANGOLD, A Byzantine government, p.1-5. Il faut toutefois ajouter que la présence d’un patriarche orthodoxe « de Constantinople » à Nicée jouait naturellement en faveur des empereurs de Nicée.
[107]
LONGNON, L’empire latin, p. 80-152 (passim); WOLFF, The latin empire, p.187-211 (passim).
[108]
ANGOLD, Op. cit., p.81-82, 175, 187-188.
[109]
VAN TRICHT, « La gloire de l’empire ». Les données principales qui soutiennent la reconnaissance d’Henri par la population grecque : HENRI DE VALENCIENNES, Histoire de l’empereur Henri de Constantinople, p. 46-47, 49-50, 59, 105, 110, 116 ; GEOFFROI DE VILLEHARDOUIN, La conquête de Constantinople, p.236-237, 246-247, 260-265, 304-305 ; ACROPOLITE, Die Chronik, p.84-85.
[110]
AHRWEILER, L’expérience nicéenne, p.30-31 ; D.M. NICOL, Refugees, mixed population and local patriotism in Epiros and Western Macedonia after the fourth crusade, XVe Congrès international d’Études byzantines: rapports et co-rapports (histoire: composition et mouvement de la population dans le monde byzantin), Athènes, 1980, p. 29-30.
[111]
Sans doute la tâche principale était-elle alors de résoudre le problème religieux avec l’Église orthodoxe. Il faut souligner que des pourparlers concernant l’union des Églises eurent lieu justement en 1214 (cf. supra). Les Latins de Constantinople et le pape à Rome réalisaient apparemment ce qui pouvait encore renforcer la position de l’empire de Constantinople.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

LinkWithin

Related Posts with Thumbnails